Dans les carnets d'Alicia

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Pérégrinations d'une jeune sorcière, chapitre 1

Sarah était assise sur la marche à l’entrée de la maison. Elle finissait d’enfiler ses chaussettes et attrapa une paire de grosses chaussures de marche. Elle les mit rapidement, se leva, et sortit de la maison. A peine eut-elle mis un pied sur la terrasse qu’un soleil ardent tapa sa peau bronzée. Elle leva les yeux pour voir où en était le soleil et poussa un petit soupir. Elle avait pourtant essayé de se lever assez tôt pour pouvoir se promener avant que la chaleur ne soit trop insoutenable, mais elle avait sous-estimée la vitesse à laquelle le soleil se levait ces derniers temps. Elle s’avança un peu pour ne plus être cachée par le mur et leva la main pour évaluer le vent et la température de l’air. Elle fit un léger mouvement de la main, se disant que l’air était encore suffisamment frais pour permettre une petite balade. Mais en sentant les rayons du soleil taper sur sa peau elle retourna à l’intérieur. Même si elle n’était pas aussi pâle qu’en hiver, elle avait de mauvais souvenirs de coups de soleil douloureux et préférais ne pas prendre de risques. Tout en avançant dans la maison, elle mit sa main dans sa poche et sembla y faire tourner quelque chose. Elle avait les yeux dans le vague et s’arrêta une fois arrivée devant le porte-manteau fixé au mur. Soudain elle cligna des yeux, comme si elle venait de se réveiller, et chercha du regard son chapeau. C’était une grande capeline en paille qu’elle s’enfonça sur la tête en essayant d’empêcher le rebord de lui tomber dans les yeux, et repartit vers la porte d’entrée. Sur le seuil elle s’arrêta soudain et se retourna pour crier :

-Maman, je vais me balader !

- Ok ma chérie. T’as pris ton chapeau ?

- Oui !

- Profites en bien !

- Merci, à toute !

- Bisous !

 

Sarah sortit de la maison et longea le mur à sa droite sur les 2 m que faisait la terrasse. Elle prit une grande inspiration et sourit en sentant un petit vent frais lui caresser le visage. Grâce au sort qu’elle s’était lancée, le soleil diffusait une douce chaleur sur sa peau mais ne laissait plus cette sensation de brûlure. Elle profita de cette brise pour contempler un instant la beauté du paysage qu’elle avait devant les yeux. La maison de ses parents était située au sommet d’une colline et le jardin qui s’étendait devant elle s’arrêtait de manière nette en une pente courte mais très brute. Il était entouré de l’enclos des moutons des voisins, et au-delà s’étendait les coteaux couvert de champ de tournesols et de bosquets. Le ciel était bleu et sans nuage, et la lumière du matin, légèrement brumeuse, faisait ressortir les couleurs de ce paysage féerique.

 

On est quand même mieux ici que dans ma chambre de 9m².

 

La petite brise qui faisait flotter ses cheveux s’arrêta, et la chaleur se remit aussitôt à peser. Sarah se rappela alors qu’elle était à la base partit marcher, et que si elle continuait à traîner comme ça la chaleur allait devenir trop intense. Elle tourna vers sa droite et traversa le jardin de façon à atteindre la sortie, à l’autre bout de la maison. Elle grimpa le chemin qui menait à la route. En passant devant la maison des voisins, qui était juste derrière celle de ses parents, elle aperçut un vieil homme devant le hangar. Il portait de vieux habits de travail et un bon vieux chapeau de paille, et avait un pulvérisateur à la main.

- Bonjour monsieur Durand !

- Ah ! Bonjour Sarah. (Il marqua une petite pause) Tu vas faire un tour ?

Le vieux voisin avait un accent bien tranché, et Sarah sourit intérieurement. Elle passait quasiment toute l’année en ville et l’accent de la campagne lui manquait un peu.

- Oui, je profite qu’il ne fasse pas encore trop chaud. Vous allez désherber un coup ?

- J’ai de la belladone dans l’enclos. C’est pas bon pour les bêtes.

-Vous avez pas de chance, ça pousse pas trop par ici normalement.

- Ça arrive des fois.

- Et bien, bonne chance pour vous en débarrasser en tout cas.

Le voisin hocha légèrement la tête et retourna à son travail, laissant Sarah reprendre son chemin. Elle avait toujours l’impression d’être à côté de la plaque quand elle discutait avec le voisin, comme s’ils ne parlaient pas la même langue.

 

Ou alors il n’est juste pas très bavard. Bah, c’est pas comme si je le voyais souvent non plus.

 

Arrivée en haut de la côte Sarah tourna à droite. La route surplombait les coteaux et elle avait une vue impressionnante sur les champs de tournesol d’un côté, et de blé de l’autre. Elle n’était pas du genre à marcher vite, mais plutôt à flâner sans but en s’émerveillant de tout. Elle appréciait les virages de la route et les nombreux endroits où elle montait et descendait, lui permettant d’avoir plein de points de vue différents sur la campagne autour d’elle. Un sourire serein restait affiché sur son visage tandis qu’elle admirait les champs, mais également les fossés en bord de route. Ils étaient toujours plein de vie, et ses yeux de biologiste pétillaient à chaque fois qu’elle les scrutaient. Elle s’amusait à identifier les différentes plantes qui y poussait, et à chercher les indices qui montrent que de petites bêtes étaient passées par là.

 

Sarah ne marchait pas depuis longtemps quand elle aperçut une vieille femme devant elle. Elle marchait à l’aide d’un immense bâton, presque comme les vieux sages dans les films. Sarah fronça les sourcils à cette vue. Elle ne voyait pas vraiment l’intérêt d’un si grand bâton, ça devait être plus encombrant qu’autre chose. Mais il semblait sculpté, ça ne devait donc pas être une branche qu’elle venait de ramasser. Ça pouvait toujours être un canalyseur, après tout certaines personnes choisissait des objets parfois étrange. Mais là ça faisait vraiment gros, bonjour la discrétion. Et c’est pas très pratique à manipuler, ou à transporter. Plus la jeune fille fixait le bâton et plus il lui semblait familier, comme si elle l’avait déjà vu quelque part. Elle était trop loin pour bien voir les symboles gravé dessus, mais elle aurait mis sa main à couper qu’elle les avaient déjà vu quelque part.

Soudain, un bruit assourdissant tira Sarah de ses réflexions. Il était horriblement fort, comme si tout l’air autour d’elle était compressé et émettait ce bruit sourd. Elle leva la tête pour voir d’où il venait, et fut surprise de voir passer au dessus de sa tête un carrosse tiré par 2 pégases. Les bêtes allaient tellement vite que Sarah eu à peine le temps de voir le véhicule passer. Une fois au loin, le bruit cessa. Sarah voyait de plus en plus passer ce genre de transport à grande vitesse, et la beauté des pégases l’émerveillait à chaque fois. Par contre ça faisait vraiment trop de bruit, elle préférait largement le transport par bougie. Certes on ne pouvait pas l’utiliser pour de trop grande distance, mais c’était quand même bien plus confortable.

Plongée dans ses réflexions, elle se remit en route. Au bout d’un moment elle se rendit compte que la vieille femme devant elle avait disparu. Elle s’arrêta, perplexe, se demandant où elle avait bien pu passer. Il y avait bien de rares maisons sur le bord de la route, mais elles avaient toutes leur portail fermé et Sarah n’avait rien entendu. Elle était peut-être entrée dans un jardin pendant que les pégases sont passés. Bah, après tout, ça n’avait pas vraiment d’importance. Sarah secoua légèrement la tête en soupirant, et se dit que quand même, il fallait qu’elle arrête de toujours essayer de tout analyser. Les gens avaient bien le droit de vivre leur vie sans qu’elle essaye de décrypter le moindre petit détail.

 

Elle arriva rapidement à un embranchement. Gauche, droite ou tout droit. Elle était encore en train d’hésiter quand un petit vent se mit à souffler. Elle fut d’abord surprise par cette fraîcheur bienvenue, puis ferma les yeux et leva les bras. Elle focalisa son attention sur l’air qui glissait sur sa peau et une sorte de sentiment de plénitude monta en elle. Elle connaissait bien ce sentiment, et petit à petit, le vent commença à prendre la direction qu’elle lui indiquait avec ses bras. Elle fit un mouvement lent et ample avec le bras gauche, sentant le vent accompagner son mouvement, puis fit de même avec le droit. Elle commença alors à se soulever légèrement du sol, lentement, presque imperceptiblement. Ses longs cheveux châtains suivaient les mouvements qu’elle imposait au vent, ainsi que ses vêtements. Elle avait l’impression de ne faire plus qu’un avec le vent, comme si son corps n’était qu’un gaz parmi tous les autres. Un sourire serein apparut sur son visage. Elle pris une grand inspiration, et ouvrit lentement les yeux. Prenant conscience de son environnement, elle se posa lentement et baissa les bras. Le vent s’arrêta alors, la laissant là, souriante et légère.

 

La magie élémentaire était comme une double nature pour elle. Elle avait fait ses premiers pas pour aller dans la mer, alors qu’elle n’avait que 10 mois. Elle avait toujours considéré le vent comme une extension d’elle-même, et ses pouvoirs s’étaient déclarés pour la première fois alors qu’elle observait le feu chez ses grand-parents. Sarah frémit à ce souvenir. A l’époque, elle ne se rendait pas compte du danger que cet élément représentait. Pendant des années elle avait été fasciné par les flammes qui dansaient dans la cheminée. Elle ne se lassait pas de voir les formes qu’elles prenaient, et avait fini par être capable d’influencer leur danse. Au début ce n’était qu’un jeu, mais un jour elle fit crépiter le feu un peu trop fort et des étincelles atterrirent sur la jupe de sa grand-mère. Heureusement celle-ci était une personne calme, et elle a juste tapoté les étincelles avant que la jupe ne s’embrase.

Sarah n’avait alors pas réalisé à quel point elle avait frôlé la catastrophe. Les étincelles auraient pu atteindre un coussin, ou sa grand-mère aurait simplement pu ne pas être présente et le feu serait partit sans que personne ne s’en aperçoive. Mais la petite fille avait bien compris ce jour là que quelque chose avait dépassé sa compréhension. Elle avait alors arrêté de jouer avec le feu, se contentant de regarder les flammes danser. Petit à petit cette prudence s’était transformé en peur, d’abord rationnelle, puis incontrôlée. Aujourd’hui, Sarah n’était plus capable d’approcher une flamme de trop près, et elle avait complètement délaissé cette partie de sa magie. Le seul sort de feu qu’elle avait appris était celui pour allumer une bougie à distance, histoire de pouvoir en utiliser pour se déplacer, mais elle avait besoin de tout son sang-froid quand elle devait le lancer. Au moins, ça lui avait permis de ne pas utiliser en permanence les bougies, et elle avait gardé l’habitude de marcher pour aller dans des endroits proches de chez elle, plutôt que certains de ses amis qui ne prennent même plus la peine de marcher pour traverser la rue.

 

Malgré sa phobie du feu, la magie élémentaire restait clairement son domaine de prédilection. Elle n’avait jamais cherchée à approfondir ses connaissances dans ce domaine, préférant étudier la biologie. Mais le contact avec l’eau, si enveloppante, le passage du vent sur sa peau, la sensation de la terre sous ses pieds, la perception amplifiée de ces éléments l’emplissait d’une douce sérénité qu’elle n’avait jamais ressentit autrement. A l’instant même où elle entrait en contact avec un de ces éléments, c’était comme si le monde autour d’elle n’existait plus. Un calme intense l’envahissait soudainement, la plongeant dans un état second où plus rien n’avait d’importance. C’était probablement pour ça qu’elle n’avait jamais cherché à apprendre plus de sorts, la maîtrise des éléments était juste instinctive. Logique. Personne ne donne de cours pour apprendre à marcher ou à parler, pourquoi en faudrait-il pour faire bouger le vent ou modeler la terre ?

 

Sarah reprit tranquillement sa route en s’amusant à former de minis tourbillons avec sa main. De temps en temps elle admirait les champs de tournesols qui s’étalaient devant elle. Les fleurs d’un jaune éclatant semblaient émettre leur propre lumière tant le soleil faisait ressortir leur couleur. En contrebas, elle aperçut une petite étendue d’eau, au bord de laquelle se tenait un barnum. Elle savait que des sorcières venaient parfois y prendre le thé, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de les y voir, et ne savait finalement que peu de choses sur cet endroit, ce qui le rendait mystérieux à ses yeux. Mais le plus étrange était sans nul doute la maison qui se tenait en haut de la colline, juste en face de Sarah. Ou plus exactement la « décoration » du jardin. Il était rempli de carrosses et voitures en tout genre. Certains modèles n’étaient plus fabriqués depuis des décennies, d’autres auraient pu être acheté la veille, et d’autres encore ne ressemblait à rien que Sarah connaisse. Il y avait des modèles étudiés pour être tirés par des chevaux, d’autres par des pégases, certains clairement amphibien, et d’autres dont aucun système de remorquage n’était apparent. Quelques uns étaient démontées, parfois sans roues, ou alors flambant neufs. Des tas de ferrailles et de morceaux de bois dans un coin, un stock de roue de l’autre côté, un grand hangar au milieu de tout ça.

Cette vision était toujours aussi déroutante, même après être passé plusieurs fois devant. Sarah n’avait pas la moindre idée de qui pouvait bien vivre ici, ni de ce qu’iel faisait de toutes ces voitures. Peut-être un.e collectionneur.euse, mais dans ce cas pourquoi autant de voitures étaient en mauvais état ? Et les autres ne semblaient pas avoir de protection particulière. Peut-être un.e garagiste qui stocke des voitures inutilisables pour en utiliser les pièces détachées. Mais il n’y a pas de garages aux alentours, et ça ne doit pas être facile de transporter des pièces aussi encombrantes sur d’aussi grandes distances. A chaque fois que Sarah passait sur ce chemin elle scrutait la maison à la recherche d’un indice, d’une quelconque activité qui aurait pu la renseigner sur l’identité des propriétaires des lieux. Mais rien. Elle n’avait jamais vu personne, et n’avait toujours aucune idée de la raison de la présence de toutes ces voitures. Cette fois encore elle n’aperçut personne. Elle se demandait si un jour elle connaîtrait la réponse à toutes ses questions.

 

Elle marcha encore un peu, continuant d’admirer le paysage. Elle s’arrêtait de temps en temps devant une crotte de renard, un terrier de mulot, un nid d’araignée, ou tout autre curiosité animale. Parfois elle ramassait quelques plantes, histoire de se constituer un stock d’herbe pour la rentrée, mais aussi de quoi se faire une bonne salade ce midi. Un peu de plantain au goût de champignon amer, des fleur de pissenlit au goût d’artichaut cru, des feuilles de pâquerettes croquantes, de quoi agrémenter un bon plat d’été. Mais aussi de la saponaire des vaches, histoire de se faire un stock de savon, et quelques potions contre les désagréments des règles. Un peu d’achillée, que toute bonne sorcière se doit d’avoir en stock, de la chélidoine, de la bourrache, et encore quelques autres plantes dont elle saurait trouver un intérêt. Sa grand-mère l’aurait sûrement empêché de les cueillir de jour, et sans même se préoccuper de la phase de la lune. Mais les cours de botanique de Sarah l’avait plutôt renforcée dans l’idée que l’influence de la Lune dans l’efficacité d’une potion n’était que vieille croyance, et depuis qu’elle avait arrêté de suivre les vieux préceptes de cueillette, ses potions n’étaient pas plus mauvaise.

 

Une fois son sac bien plein de toutes les plantes qu’elle avait pu trouver elle se décida à rentrer. Le soleil était bien plus haut dans le ciel et il commençait à vraiment faire trop chaud. Elle invoqua un peu de vent pour se rafraîchir et se dépêcha de rentrer. Elle ne croisa personne sur le chemin du retour, pas même le voisin. Tandis qu’elle descendait le chemin qui menait chez elle, elle aperçut un mouvement dans le hangar. Elle sourit en reconnaissant le vieux chat roux et blanc qui s’avançait vers elle. Elle s’accroupit pour le caresser, s’inquiétant un peu de le voir si squelettique. Quand il commença à baver de contentement elle se redressa, histoire de finir sa route. Elle s’arrêta déposer sa récolte dans la claie de séchage à côté du barbecue et rentra rapidement dans la maison, le chat sur ses talons.

En entrant dans la maison elle soupira de bonheur. Les murs de pierre était décidément ce qu’il y avait de mieux pour garder la fraîcheur dans une maison. Entendant le chat miauler, elle se dirigea vers sa gamelle pour lui donner à manger. Elle monta rapidement l’escalier et se dirigea vers le bureau, au fond du couloir.

- Coucou maman.

- Coucou ma chérie. Ta promenade s’est bien passée ?

- Oui super, j’en ai profité pour récolter des trucs. Ça t’ennuie si j’utilise la salle à manger pour faire des philtres cet aprem ?

- Non non, fais ce que tu veux.

- Et puis j’en profiterai pour faire des madeleines à l’armoise, comme ça t’en aura quand t’en aura besoin.

- S’il en reste d’ici là, répondit sa mère avec un sourire malicieux.

Sarah eu un petit rire.

- Gourmande !

- C’est pas ma faute si ma fille cuisine aussi bien.

- Bon allez, je vais préparer mon matériel !

 

Sarah se dirigea vers l’autre bout du couloir et entra dans la pièce en face de l’escalier. C’était une grande pièce dans laquelle était placés deux grands lits, une armoire, une grande malle en osier et un piano. Sur la malle était posée une valise ouverte pleine de vêtement et de livres. Sarah farfouilla dedans pour finalement en sortir un énorme grimoire sur lequel était écrit « Livre des Ombres ». Elle s’assit sur le lit le plus proche et ouvrit le livre à la première page. Elle y trouva un tas de marque page, et commença à feuilleter son grimoire à la recherche des recettes dont elle avait besoin. La journée allait être bien longue.



07/08/2017
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